Catégorie : Revue juridique

Un congé avec offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, s’analyse comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction.

A l’expiration d’un bail commercial , le bailleur délivre aux locataires un congé avec offre de renouvellement subordonnée à certaines obligations d’entretien et à la modification de la contenance des lieux loués. Soutenant que le congé avec offre de renouvellement à des clauses et conditions différentes du bail initial avait mis fin à ce dernier et leur ouvrait droit à indemnité d’éviction, les locataires agissent contre le bailleur en paiement d’une telle indemnité.

Une cour d’appel rejette leur demande, jugeant que, si les modifications subordonnant l’offre de renouvellement ne pouvaient pas s’inscrire valablement dans le cadre d’un congé avec offre de renouvellement en ce qu’elles portaient atteinte à la contenance des lieux loués et aux obligations des locataires, le congé exprimait une offre de régularisation d’un nouveau bail, de sorte qu’il ne pouvait pas s’analyser en un congé sans offre de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction.

La Cour de cassation casse la décision et précise qu’à défaut de convention contraire, le renouvellement du bail commercial s’opère aux clauses et conditions du bail venu à expiration, sauf le pouvoir reconnu au juge en matière de fixation du prix.

Ainsi, un congé avec offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes du bail expiré, hors le prix, doit s’analyser comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction.

Cass. 3e civ. 11 janvier 2024, n° 22-20.872

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L’administration a récemment commenté la mesure anti-abus introduite dans le cadre du régime temporaire d’amortissement du fonds commercial pour les acquisitions intervenues depuis le 18 juillet 2022.

Pour rappel, l’article 39 1 2° alinéa 2 du Code Général des Impôts pose le principe de l’absence de déduction possible des amortissements des fonds commerciaux d’une société.

Une exception est toutefois posée à l’alinéa 3 dudit article et offre désormais la possibilité de déduire les amortissements des fonds commerciaux acquis à compter du 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025.

Une mesure anti-abus est toutefois intervenue par une loi 2022-1157 du 16 août 2022 afin d’aménager l’application de ce dispositif.

Pour les acquisitions intervenues depuis le 18 juillet 2022, le dispositif ne peut trouver à s’appliquer lorsque le fonds de commerce a été acquis auprès d’une entreprise liée au sens de l’article 39, 12 du CGI ou auprès d’une entreprise, y compris une entreprise individuelle, placée sous le contrôle de la même personne physique.

Au sens de cet article, la formule « d’entreprise liée » renvoie à deux critères :

  • Lorsqu’une société détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social d’une autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;
  • Lorsque les deux sociétés sont placées l’une et l’autre, dans les mêmes conditions, sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

L’administration fiscale a clarifié la portée de la mesure anti-abus et sa date d’entrée en vigueur :

  • S’agissant de la portée, l’administration a précisé que cette mesure concerne évidemment les fonds commerciaux, mais également les fonds artisanaux, les fonds agricoles résiduels et enfin, les éléments incorporels assimilables au fonds commercial par des titulaires de bénéfices non-commerciaux.
  • S’agissant de la date d’entrée en vigueur de la mesure, trois dates clefs sont à retenir :
Fonds acquis entre le 1er janvier et le 17 juillet 2022 Fonds acquis à partir du 18 juillet 2022 Fonds acquis à partir du 16 août 2022
Application du dispositif de faveur sauf objectif principalement ou exclusivement fiscal (bénéficier artificiellement de la déduction de l’amortissement comptable du fonds commercial acquis). Tous les fonds acquis à partir de cette date sont rétroactivement soumis à l’article 39 du CGI. Tous les fonds acquis à partir de cette date sont soumis à l’article 39 du CGI.

 

Dans le cas ou le contribuable ne respecterait pas les conditions susvisées, l’administration pourrait alors mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit aux fins de remettre en cause la déduction fiscale de l’amortissement du fonds commercial.

N’hésitez pas à vous rapprocher d’un avocat qui sera à même de vous conseiller afin de réaliser au mieux cette opération.

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Par plusieurs arrêts rendus le 1er décembre 2022, la Cour de cassation a jugé que la société d’assurance AXA n’était pas tenue d’indemniser les pertes d’exploitation subies par ses assurés à la suite de fermetures administratives ordonnées en raison de la crise sanitaire.

La Cour de cassation a notamment retenu qu’est valable la clause qui exclut « les pertes d’exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative pour une cause identique ».”

La Cour de cassation a cassé et annulé les arrêts attaqués de la Cour d’appel.

La Cour de cassation a donc tranché en faveur de l’assureur AXA, jugeant que la clause litigieuse, qui n’a pas pour effet de vider la garantie de sa substance, est valable.

Cass. 2e civ., 1er décembre 2022, n° 21-19.343

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Il résulte de l’article 1217 du Code civil que la banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’elle a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.

Le préjudice résultant de ce manquement s’analyse en la perte d’une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.

En cas de manquement d’une banque à son devoir d’information et de conseil, toute perte de chance ouvre droit à réparation.

C’est que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 15 septembre 2022 (RG N°21-13.670).

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Dans trois arrêts rendus en date du 30 juin 2022, la Cour de cassation est venue rendre son verdict sur le sort des loyers commerciaux dus pendant les périodes de fermeture administrative.

La Cour de cassation est sans appel : les locataires devront payer leurs loyers commerciaux pendant la période de fermeture des commerces dits « non essentiels » résultant de l’épidémie de covid-19 (mars-mai 2020 ; octobre-novembre 2020 ; février-avril 2021).

La Cour de cassation a notamment indiqué par ces trois décisions que :

  • le bailleur n’a pas manqué à son obligation de délivrance au cours des périodes pendant lesquelles les commerces non essentiels ont été fermés par décret gouvernemental, même si le preneur n’a pas pu exercer son activité commerciale.
  • les locataires ne peuvent se prévaloir de la force majeure et ne sont donc pas fondés à demander la résolution du contrat ou sa suspension.
  • la fermeture administrative des commerces ne peut être assimilée à une perte de la chose au sens de l’article 1722 du code civil.

Civ. 3e, 30 juin 2022, FS-B, n° 21-20.127 / Civ. 3e, 30 juin 2022, FS-B, n° 21-20.190 / Civ. 3e, 30 juin 2022, FS-D, n° 21-19.889

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Les Emirats arabes unis et notamment Dubaï bénéficient d’une attractivité recherchée par de nombreux nationaux français qui ont décidé d’y déménager.

L’absence d’impôt sur le revenu constitue l’un des attraits recherchés par certains parti s’exiler à Dubaï. Attention néanmoins à bien lire – jusqu’à la fin – la convention fiscale franco-Emirati avant de partir.

L’article 4 de la convention, relativement classique, fixe les critères permettant de fixer la résidence fiscale d’une personne entre les deux pays : (i) par application des règles de chacun des pays (ii) foyer d’habitation permanent ou centre des intérêts vitaux, (iii) lieu de séjour habituel, (iv) pays de nationalité, (v) accord des deux pays.

Toutefois, l’article 19.2 de la convention précise que dès lors qu’une personne est considérée comme fiscalement domiciliée en France au sens du droit interne français, tous ses revenus sont imposables en France « nonobstant toute autre disposition de [la Convention]. »

En droit interne, l’article 4 B du Code Général des Impôts fixe les critères permettant de fixer la résidence fiscale d’une personne en France :

– les personnes ayant en France leur foyer lieu de séjour principal,

– celles exerçant en France une activité professionnelle, salariés ou non, exception faite d’une activité accessoire,

– ou celles ayant en France le centre de leurs intérêts économiques.

En conséquence, attention aux français résident aux EAU et dont l’activité pourrait être fixée en France. Les professions 100% digitales avec des clients français, des ventes en France ou des communautés sont donc particulièrement sujettes à cette clause d’exception.

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Jusqu’à présent, si un cautionnement, souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel, s’avérait disproportionné par rapport aux revenus et au patrimoine de la caution, au moment de la souscription de l’engagement de caution, l’établissement de crédit ne pouvait pas s’en prévaloir.

Il appartenait donc au créancier professionnel de s’assurer que l’engagement de caution qu’il faisait souscrire n’était pas disproportionné, faute de quoi, elle risquait de perdre tout recours contre la caution.

La règle de la disproportion, actuellement prévue par le Code de la consommation, figure désormais dans le Code civil, sous l’article 2300 qui dispose : « Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date. »

La caution disproportionnée n’est donc plus nulle mais réductible à hauteur du montant pour lequel la caution personne physique pouvait s’engager lors de sa conclusion.

Les juges vont donc désormais devoir apprécier et chiffrer le montant supportable par la caution… ce qui est une mission très délicate, laquelle va certainement donner lieu à une jurisprudence abondante et variée… sujet à suivre.

Par ailleurs, il est intéressant de constater que l’article 2299 du Code civil dispose désormais : « Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. »

Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, l’établissement de crédit va devoir vérifier que l’engagement du débiteur principal, c’est dire l’emprunt souscrit par l’entreprise (et non l’engagement de caution souscrit par la caution), est bien adapté aux capacités financières de l’entreprise puis, mettre en garde la caution lorsque cet engagement est inadapté, faute de quoi, l’établissement de crédit risque de ne pas pouvoir recouvrer l’intégralité des sommes qui lui sont dues.

Gageons que de nouveaux contentieux vont naitre de l’application de cet article…

Les nouveaux articles 2299 et 2300 du Code civil entreront en vigueur le 1er janvier 2022 ; les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 demeureront soumis à la loi ancienne.

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Le sort de la caution, personne physique, d’une entreprise en redressement judiciaire est désormais aligné sur le sort de la caution d’une entreprise en sauvegarde.

En effet, l’article 48 de l’ordonnance n°2021-1193 du 15 Septembre 2021 qui modifie le livre VI du Code de commerce a remplacé l’article L.631-20.1 par l’article L.631-20 et l’article L.631-20.1 a été abrogé.

Ainsi, les coobligés et les personnes physiques ayant consenti une sureté personnelle, telle que le cautionnement, ou ayant affecté un bien en garantie d’un plan de redressement, bénéficient désormais de la même protection que les cautions en plan de sauvegarde.

En d’autres termes, la personne physique qui se sera portée caution d’une entreprise ne pourra plus se faire assigner par le bénéficiaire du cautionnement (c’est-à-dire très souvent la banque de l’entreprise) pendant la durée du plan de redressement, durée qui peut aller à jusqu’à 10 ans, voir même 15 ans pour les agriculteurs et viticulteurs.

Il convient de préciser que cette protection ne vaut que pour les cautions personnes physiques et non pour les cautions personnes morales.

Les dispositions de l’ordonnance du 15 Septembre 2021 entrent en vigueur le 1er octobre 2021 ; elles ne sont pas applicables aux procédures collectives en cours au jour de son entrée en vigueur.

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La notion d’holding animatrice n’en finit pas d’agiter la jurisprudence fiscale. Nombre de décisions ont déjà été rendues en la matière, le Conseil d’Etat a défini cette notion (voir CE 13 juin 2018 n°395495), la doctrine administrative a précisé cette définition (voir BOI-PAT-IFI-30-10-40).

Si la notion de holding animatrice est assez claire, la mise en œuvre de celle-ci pose encore des difficultés.

La Cour de Cassation est venue préciser que la notion d’holding animatrice, qui permet de bénéficier de l’exonération partielle dite « Pacte Dutreil » doit s’apprécier in concreto, au regard des moyens dont dispose la holding (salariés, matériels…) et des actes qu’elle accomplit pour ses filiales (Ccass 23 juin 2021 n°19-16.351).

La simple conclusion d’une convention de prestation d’animation entre la holding et ses filiales est insuffisante pour qu’elle soit qualifiée d’animatrice. On ne peut que recommander d’adapter la structuration et l’organisation de son groupe de sociétés afin de démontrer le caractère animateur de la holding (procès-verbaux des organes dirigeants, intervention de la holding dans les décisions stratégiques, emploi de salariés transversaux dans la holding…).

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La règle du plafonnement du loyer s’applique à la fixation du prix du bail renouvelé ou révisé, mais non à l’indemnité d’occupation due par le preneur maintenu dans les lieux à l’expiration du bail en application de l’article L. 145-28 du code de commerce.

L’indemnité d’occupation doit être fixée en fonction de la valeur locative.

Cass., civ 3ème, 17 juin 2021, n°20-15.296

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